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les trois brigands
13 octobre 2010

le don d'adèle

" Savez-vous ce que pensent les enfants? Les enfants prennent un bout de bois pour une épée ensorcelée. Un toboggan pour un pont-levis. Une jeune femme en jean pour une princesse à conquérir. Le dossier d'un banc pour la plus belle monture. Ils prennent le premier enfant venu pour leur plus grand ennemi, puis pour leur ami intime. Le parc du quartier dépasse celui de Versailles. Dans une main adulte, leur pain au chocolat est l'incarnation d'un miracle. Les parterres de fleurs poussiéreuses sont plus chatoyants que les orchidées d'une jungle imaginaire. Des monstres sont cachés dans les bosquets. Il y a des lacs dans les flaques d'eau. Des oiseaux du paradis sous les plumes des pigeons. Des mères qu'on attend avec tant d'impatience qu'on voudrait les dévorer quand elles arrivent. Il y a des minutes qui durent des secondes. Des chutes si humiliantes qu'on voudrait détruire le parc, faire sauter la ville, la planète tout entière. Une écharpe dans le vent se transforme en bannière et suffit pour engager le peuple à la conquête du monde.

Je me demande quand tout cela a cessé pour moi.

Peut-être quand papa est mort. "

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J'ai été enthousiasmée par ce roman. Alors, il y a une histoire, une enquête même : après un accident de roller, Adèle découvre qu'elle a le don de lire dans les pensées des autres. Se greffe une histoire d'incendies spontanés mystérieux qui ont lieu dans le village où vit Sylvie, la tante d'Adèle. Avec Prudence, elle y part en vacances… mais ce n'est pas l'histoire qui m'a séduit dans ce livre. Ce qu'Alice de Poncheville a admirablement réussi, c'est à donner vie à des personnages sacrément vivants et attachants.

Adèle, l'héroïne, collégienne, que j'aurais rêvé d'avoir pour amie à 15 ans. Adèle est intelligente, fine, attentive aux autres, gentille comme tout, pas très sûre d'elle, timide, réservée. Elle dessine comme une déesse et porte un regard sensible sur le monde et ses habitants. Elle vit avec sa mère, Lucille, qui fait semblant d'être heureuse depuis que son mari est mort, dix ans plus tôt. Elles cohabitent avec André, le père de Lucille, un veuf qui prend soin de sa fille et de sa petite-fille. Dans le monde d'Adèle, il y a aussi sa meilleure amie, la très jolie Prudence, vive, douée, rigolote… celle que tout le lycée admire. Mais Prudence vit aussi avec son lot de douleur : une maman qui a quitté le domicile il y a un an et envoie des cartes postales du Brésil…

Ces deux jeunes filles sont formidables. Et leur amitié si forte, si pure, si émouvante. Elles se protègent : "Lorsqu'elle reçoit des nouvelles, comme aujourd'hui, Prudence se met à faire des choses bizarres et je la surveille de près. La dernière fois, elle est arrivée en classe en pantalon de pyjama et j'ai dû lui prêter mes affaires de sport. Depuis, je garde un sac de secours à l'infirmerie, avec la complicité de Paule, l'infirmière". Elles se connaissent par cœur, s'adorent, veulent le bonheur de l'autre. J'adore comment Adèle capte l'humeur de Prudence en observant ses cheveux : "Ses cheveux volettent autour d'elle comme des fils de soie brillante. C'est bon signe" et plus loin : "Le lendemain matin, Prudence arrive au collège avec une coiffure compliquée à base de nattes. Un ouvrage d'art qu'elle peut confectionner en moins d'un quart-d'heure, mais qui requiert tout son savoir faire. Cette création, en plus de m'impressionner, me donne l'information suivante :Prudence a embrassé son nouveau fiancé."
Les "personnages secondaires" ne le sont pas. Ils sont traités avec le même soin, la même tendresse et le même souci de vérité. Il y a M.Dinère, le prof des deux amies, dont le père meurt à l'hôpital. Il y a le papa de Prudence, qui mitonne de bons petits plats pour que la vie reste jolie malgré le départ de sa femme. Il y a la maman d'Adèle, la tante Sylvie, le grand-père André…

Ces beaux personnages prennent vie grâce à une très belle écriture. Fluide, limpide, poétique, drôle aussi. Il y a un peu d'Anna Gavalda, et de Pennac dans Le don d'Adèle. C'est un livre qui fait sacrément du bien. Et pas qu'aux enfants.

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(Après avoir lu Le don d'Adèle, j'ai eu très envie de rencontrer son auteur. Elle m'a reçue chez elle, dans sa chaleureuse maison parisienne. L'interview à lire ici dès demain)

Le don d'Adèle, d'Alice de Poncheville (L'École des Loisirs, collec. Médium), septembre 2010, 11 euros.

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Commentaires
S
ah oui, je confirme ça donne envie !
E
YES !!! ça fait envie !!! et zou j'allonge ma liste de bouquins {je suis tout tes conseils, en ce moment je lis Quelque chose à te dire, David vient d'engloutir la femme en vert ...}
F
bon, bah, forcément... je vais foncer le lire !
C
Merci pour ce post!! Moi, mère de filles déjà adultes, je me régale de découvrir d'autres ados!! L'école des loisirs est une magnifique maison d'édition et je traîne souvent dans le rayon jeunesse de ma librairie!! Je viens de rentrer de ville et ce petit bijou attendra lundi prochain!<br /> Bonne soirée!
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